Sept Euros Le Sachet de Billes

7€ Le Sachet de Billes

J'ai perdu le peu d'espoir que j'avais en l'humanité, quand, innocemment, nostalgiquement même, j'ai voulu acheter un sachet de billes à ma fille...

7€ le bonheur, c'est vachement cher payé.

Déjà, parce que les enfants ne jouent plus aux billes dans la cour de récréation, ils ne vont pas aller apprendre à se faire plumer par le gamin le plus malin de la portée 2023. Non, les billes, c'est juste de la nostalgie. On croit que ça leur fait plaisir, mais ça nous fait plaisir, ça nous renvoie à notre enfance, celle où les sachets de billes, c'était 2 ou 3€, pas une heure de travail toutes taxes déduites sauf la TVA qui va encore passer par là.

Je suis désolé, en ce moment j'ai du mal à voir le bon côté des choses, je vois surtout le vrai côté des choses et même si je sais que le monde pourrait être meilleur autour de moi si je n'avais pas dilapidé chaque euro que j'ai gagné ces quinze dernières années, quand je vois les perspectives, je me dis que les valeurs ne vont pouvoir faire qu'une seule chose... Changer.

Pas régresser, pas évoluer. Changer. Il faudra les réorienter complètement. Et quand on n'aura plus suffisamment d'argent pour se nourrir en travaillant, la valeur du travail... elle aura vite disparu, et ça, il y a du monde qui l'a perdu de vue. Pourtant, il y a des gens qui le vivent chaque jour, aujourd'hui, sans la moindre possibilité de s'en sortir.

Alors ça critique la Gen Z qui ne veut plus travailler dans les champs ni les usines, mais les calculs sont vite faits.

Pour "vivre" ou "survivre", il faut se loger, manger et se déplacer. Pour pouvoir se rendre à l'usine, il faut investir dans un moyen de transport qui va doubler le besoin économique. Entre-temps, on va devenir parents et dépenser encore plus d'argent, ou alors il faut signer le pacte de non-agression de la planète qui dit qu'il faut éviter de se reproduire pour réduire notre propension à la détruire, par le néant.

Je digresse un peu, mais vous ne trouvez pas que les solutions qu'on trouve sont absurdes, plutôt que de rendre l'humain plus conscient, plus intelligent, on va devoir réduire son nombre pour lui donner une chance de survivre... donc, paradoxalement, on tue dans l'œuf l'idée même de l'humanité et ça ne dérange personne. Certains feront le travail de sur-procréer sans conscience du problème de surpopulation, et ceux qui en ont conscience et qui pourraient éduquer en ce sens, vont s'abstenir de produire des unités sensées qui pourraient chercher à aider le reste de l'humanité.

Par ce chemin, la fin se profile tout doucement. Le monde sera laissé aux masses inconscientes qui jettent leurs clopes par la fenêtre, leurs canettes par la fenêtre et regardent les panneaux publicitaires qui demandent de ne pas le faire, par cette même fenêtre, dans leur voiture, attendant à un des millions de carrefours qu'on peut trouver dans le monde que le feu passe au vert pour aller travailler.

Pour que là où travailler soit un luxe vu les aides sociales qui dénigrent le concept en lui-même existe, des pays émergents inviteront leurs populations à faire un crédit sur plusieurs générations pour s'acheter un scooter et se rendre au travail pour un euro de la journée de douze heures, jusqu'à en mourir, rapidement vu les conditions de vie, et pouvoir le léguer au suivant, pendant que des nantis pourris gâtés se plaignent de ne gagner que 15€ de l'heure de l'autre côté du globe, avec un pouvoir d'achat qui diminue et les "forces" à acheter de moins en moins cher les mêmes merdes fabriquées de l'autre côté de la Terre, bien loin des yeux et du cœur.

La boucle infernale du nivellement par le bas n'est pas le fait des États, mais bien des humains, car la pensée est plus forte que l'action, car elle laisse place à l'oisiveté qui donne raison à la minorité des actionnaires du monde qui prendront les décisions sans rencontrer de résistance autres qu'un texte perdu sur l'internet. Agir, ou s'abstenir d'agir, c'est un pouvoir dans les deux sens, penser, ou s'abstenir de penser, c'est la même histoire, qui guide les actions futures, sauf celles de ceux qui s'en remettent au futur et attendent que leurs voisins, ou leurs enfants, sauvent le monde qu'ils aiment à détruire sans y prêter attention.

Alors, voilà, je n'ai pas acheté le sachet de billes venu du fond des Indes ou de la Chine. Je vais aller retrouver les miennes dans les fonds de tiroirs chez mes parents, les rassembler et les donner à mes enfants, parce qu'en fait, avec les milliards de billes qu'on a fabriquées il y a 30 ans de ça, je pense qu'on vend toujours les mêmes, moins celles qui finissent au fond des décharges pour qu'on en rachète des nouvelles et donne du travail inutile de l'autre côté du globe qui nous habite tous, mais pas dans l'égalité.